1/ 13 juin 1957, l'été commence en Maurienne. L'Arc grossi par la fonte des neiges charrie des eaux plus abondantes, déjà noircies de schistes. Dans le ciel montent de lourds nuages poussés par le foehn, la Lombarde des Mauriennais. Un vent chargé de pluie chaude déferlant sur nos montagnes chargées de neige tardive, il n'en fallait pas plus pour qu'une catastrophe se déclenche.
2/ Dans le haut cours de l'Arc, les torrents d'Averole et du Ribon se chargent en 24 heures d'une boue liquide faire de schiste et de calcaire qui va tout emporter sur son passage.
3/ À MODANE, le niveau monte rapidement de plusieurs mètres.
4/ La passerelle de PLAN VERNEYS formant verrou par l'accumulation de matériaux qu'elle retient se répand dans les rues adjacentes.
5/ Dans les rues de Modane, un torrent profond de 2 mètres déferle à une vitesse prodigieuse, bloquant les habitants dans leurs maisons et obligeant les sauveteurs à employer des moyens qui jusqu'alors étaient réservés pour les seules détresses alpines.
6/ Sur la place de la Gare, point culminant de la ville, l'eau lèche les marches des boutiques
02:34 Carte de l'usine de la Saussaz
7/ À Saint-Michel, grossie de toute la boue arrachée aux berges, l'eau noie tout un quartier. Dans la Grande Rue, accélérée par la pente, elle vient buter contre les magasins. On ne circule plus que sur des engins spéciaux.
8/ À Saint-Julien-de-Maurienne, rompant la digue à la hauteur de la prise d'eau de l'usine Pechiney, l'Arc envahit une scierie.
9/ Quelques mètres plus bas la route est emportée ainsi qu'une drague installée sur la berge.
10/ Submergé, le barrage ne se devine qu'à peine.
11/ Rongeant les berges, affouillant à des dizaines de mètres de son lit, l'Arc ronge les collines de terre qui s'effondrent dans un bruit mou.
12/ Aux Reisses le pont de chemin de fer retenant le gro. de l'Arc. C'est la vieille digue des Reisses qui s'est ouverte dévastant le village.
13/ Au Bochet, un hangar voit son soubassement s'effondrer et les montants pendant dans le vide évoquent un gigantesque pantin disloqué.
14/ Complètement sec le lit normal de l'Arc n'offre que le spectacle banal d'un torrent alpin tari par l'hiver.
15/ Épaves dérisoires, les maisons s'effondrent et disparaissent tour à tour
17/ Sous Villardelément, à la montée des Fontagneux, la brèche qui engloutit six personnes l'année précédente s'est ouverte à nouveau.
18/ Vers le Pont des Reisses, la voie submergée qui s'effrite doucement est franchie par le trop plein de l'Arc, qui se répand ensuite dans le quartier des Plans.
19/ Aux Plans, l'eau s'étale à son aise, décante sa boue, coupe la route nationale, obligeant les secouristes à ne passer que sur camions.
20/ Vers l'usine Pechiney, le pont qui franchit l'Arc forme lui aussi un verrou et faire courir à l'usine un risque immense. Les efforts inouis, pleins de dangers, ne constituent cependant qu'une tentative dérisoire de résistance.
21/ Le Pont de l'Échaillon menace de se disloquer sous les coups de bélier des troncs d'arbres qui le heurtent, et résonne comme un gong. La digue qui protège le quartier de "Sous le bourg" résistera heureusement, car à cet endroit le niveau de l'Arc est à la hauteur des toits des maisons.
22/ Dans la plaine de Longefan, l'Arc s'étale et noie tout sous la boue.
23/ À Pontamafrey enfin, le verrou glaciaire, dernier obstacle opposé à la violence des eaux, se verra inondé et la route emportée sur des dizaines de mètres, submergée sur des centaines. Plus bas, heureusement, le lit plus rectiligne réussira à évacuer sur une pente moins forte une rivière jusque là trop étroitement emprisonnée.
24/ Immense désastre, immense solidarité ! Les secours se font à la mesure de la détresse. Sur le terrain de St-Jean-de-Maurienne les hélicoptères sont la bruyante image d'un effort immédiat de réalisation.
25/ Le Secours Catholique et la Croix Rouge suscitent et canalisent la générosité de ceux qui ont été épargnées.
26/ Le Secours en Montagne fait des portages de vivres.
27/ Le soulagement des détresses est lié à la solution d'un problème vital : LES TRANSPORTS ! À tout prix il faut passer. Et c'est bien la pire dérision : la Maurienne dont l'essence historique a été de constituer un passage reliant le Nord au Sud de l'Europe, se voit aujourd'hui incapable de relier deux de ses villages.
28/ À tout prix il faut passer. À coups de mines, des armées d'ouvriers travaillent parfois dans des conditions de folle audace, vont tailler dans la montagne une route nouvelle.
29/ Une myriade d'ouvriers va refaire un remblai, poser la voie, relier de nouveau PARIS à ROME.
30/ L'immense effort de ce travail aboutira à rétablir en un mois un passage que l'on croyait coupé jusqu'à l'hiver.
33/ En Haute-Maurienne les routes sont introuvables, enfouies sous un amoncellement de pierrailles dans lequel les autos naviguent à l'estime.
34/ À Bessans, huit maisons ont été emportées ou démantelées.
35/ Des dizaines d'hectares ont été laminés, sur lesquels toute végétation est effacée pour longtemps. Dans Bonneval, les toits émergent de la pierraille qui les encercle.
36/ À Lanslevillard, à peine relevé de ses ruines de la guerre, quatre maisons ont été emportées, parmi lesquelles des immeubles dont la reconstruction n'était même pas achevée.
37/ À Lanslebourg, des panneaux montrent la direction de l'Italie par-dessus le souvenir du pont... Un hôtel de 90 chambres, décollé de la maison voisine sur laquelle il s'appuyait, n'a laissé aucune trace
38/ À Modane, il a fallu curer les rues comme on l'eut fait pour un torrent.
39/ À Saint-Michel les aciéries ont été encerclées par l'eau, mais heureusement sans dégâts. L'usine de LA SAUSSAZ a été littéralement soufflée par l'explosion des cuves.